Vous souvenez-vous encore de l’époque où un célèbre constructeur automobile utilisait fièrement le slogan « Das Auto » (« la voiture ») ? D’une certaine manière, cette accroche reflétait l’ambition de nombreuses entreprises internationales, en particulier allemandes.
Dans le cadre des efforts de mondialisation déployés par les entreprises au cours des dernières décennies, celles-ci ont comblé leurs consommateurs du monde entier avec des produits développés et fabriqués de manière centralisée, puis exportés vers les pays de commercialisation, dans la mesure où les coûts de transport le permettaient.
L’industrie automobile allemande notamment est un exemple emblématique de ce phénomène. Les voitures allemandes étaient conçues, développées et produites de manière centralisée. Grâce à la mention « Made in Germany », elles sont devenues des produits prisés dans le monde entier. La production centralisée a engendré d’énormes économies d’échelle qui ont eu un effet positif sur la rentabilité. La dépendance – parfois élevée – vis-à-vis des fluctuations monétaires, combinée à la suppression des barrières commerciales et des droits de douane, a conduit dès les années 1990 à la mondialisation des sites de production.
Dane le même temps, la chaîne de valeur verticale a été réduite et une division du travail plus poussée s’est mise en place dans de nombreux secteurs. Cela s'est traduit par une externalisation accrue des étapes de production ou leur délocalisation versdes régions à bas salaires. L’essor des technologies de l’information a également permis des gains de productivité et, par conséquent, souvent aussi de rentabilité pour les entreprises. Ces évolutions ont été largement soutenues au cours des deux premières décennies du XXIᵉ siècle. L’essor des marchés émergents, leur appétit croissant pour les biens de consommation et d’investissement, ainsi que leur préférence pour les marques internationales semblaient sans limites. Mais cette dynamique s’est brutalement ralentie et des changements tectoniques mettent désormais les entreprises au défi.
La pandémie de Covid-19, les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et de production, la réintroduction de droits de douane et les défis réglementaires liés à la montée des blocs commerciaux obligent les entreprises à se réinventer en partie. De plus, la régionalisation croissante des préférences de consommation exige un changement de perspective. Ainsi, les acheteurs chinois de voitures accorden de l’importance à des équipements complètement différents de ceux privilégiés par les consommateurs européens ou américains.
Pour répondre à ces nouvelles conditions, le développement et la production doivent être de plus en plus régionalisés. Les évolutions démographiques des différents territoires, l’automatisation croissante et surtout l’utilisation de l’intelligence artificielle constituent autant de défis. Une étude récemment publiée par McKinsey souligne le niveau élevé de rentabilité des entreprises à l’échelle mondiale, en tenant compte de la profitabilité particulièrement attractive des valeurs technologiques américaines. Pour l’avenir, les investisseurs doivent toutefois se poser de nombreuses questions :
- Comment évoluera la rentabilité de nombreuses entreprises si les effets d’échelle disparaissent et qu’elles doivent davantage investir dans le développement et la production au niveau local ?
- Les entreprises redeviendront-elles plus capitalistiques que durant les dernières décennies ? À quel niveau le rendement du capital investi se stabilisera-t-il ?
- Quelles conséquences ces investissements accrus pourraient-ils avoir sur les bilans comptables ? Les entreprises devront-elles s’endetter davantage ? Et que signifie ce besoin d’investissement accru pour les futures distributions de dividendes et les rachats d’actions ?
Conclusion : Les entreprises ont su exploiter avec brio les opportunités et relever les défis des dernières années et décennies, atteignant des niveaux record de rentabilité. De nouveaux défis se profilent à l’horizon. Dans la sélection des actions, il conviendra donc de prendre en compte, en plus de tous les autres aspects importants, la question suivante : « Que signifie le Local-for-Local pour votre entreprise ? »
